8 juin 2022

Les intersessions sur le climat : ce qui se joue à l’entre deux COP

Si les médias n’en feront pas leur une, deux semaines de négociations sur le climat ont commencé le lundi 6 juin à Bonn en Allemagne. Le Secours Catholique – Caritas France y sera présent pour continuer de s’impliquer dans ces discussions internationales et porter collectivement, notamment avec les membres du Réseau Action Climat (RAC), des demandes vis-à-vis de la France, de l’Union européenne et plus largement de la communauté internationale, afin de faire advenir des politiques justes et ambitieuses pour les populations et la maison commune. 

 

Une fois n’est pas coutume, le programme de cette 56ème session est dense. Alors, à six mois de la dernière COP et six de la prochaine, quels sont les enjeux pour le climat, la biodiversité et les populations ? 

 

Ce qui se joue, ce sont avant tout des discussions très techniques et peu inclusives. Pourtant, derrière cet écran de technicité se cachent des enjeux très politiques et des impulsions qui donneront la tendance des ambitions et résultats pour la COP en fin d’année. 

« La COP 26 s’est achevée en novembre dernier avec un goût amer pour la société civile et les pays du Sud, pour qui le changement climatique menace de plus en plus tous leurs acquis, voire, dans certains cas, leur existence ». 

Car comme le rappelle le RAC : “La COP 26 s’est achevée en novembre dernier avec un goût amer pour la société civile et les pays du Sud, pour qui le changement climatique menace de plus en plus tous leurs acquis, voire, dans certains cas, leur existence. Elle s’est en effet avérée loin de combler le double écart entre d’une part les promesses de réduction d’émissions des pays et la trajectoire souhaitable de +1,5°C et d’autre part les besoins de financement des pays du Sud et les promesses de financement des pays du Nord.”

Aussi, les différents rapports du GIEC publiés ces derniers mois nous alertent à nouveau sur l’augmentation du réchauffement planétaire et les impacts grandissants des changements climatiques. 

Les attentes sont donc élevées du côté des pays du Sud mais aussi de la société civile et des organisations des peuples autochtones. Il est urgent de réhausser l’ambition des plans climat des Etats pour limiter le réchauffement global mais aussi que les Etats du Nord prennent leurs responsabilités vis-à-vis des populations les plus vulnérables et affectées par les changements climatiques. 

 

En route pour la COP 27 : une porte d’entrée pour l’agroécologie ? 

Les intersessions ayant pour objectif de préparer la COP 27, plusieurs points de négociation doivent pouvoir avancer pendant ces négociations en juin pour permettre aux discussions de novembre en Egypte d’aboutir. La France, présidente du Conseil de l’Union européenne (UE), aura un rôle particulier à jouer dans la délégation de l’UE. 

Parmi les points de l’ordre du jour de ces intersessions, le Secours Catholique s’impliquera tout particulièrement dans les discussions autour du programme de travail sur l’agriculture (appelé Koronivia). 

Ce programme de travail était en effet censé terminer son mandat à la COP 26. Mais faute de temps, les négociations vont se poursuivre à Bonn, et cela en vue d’une décision à la COP 27. Ainsi, les discussions pour rendre compte des progrès et résultats du groupe de travail ont été reportées aux intersessions de même que la discussion sur le futur de l’agriculture sous la CCNUCC. 

Plus que jamais, au regard des crises multiples au niveau mondial (Covid, conflits armés, changements climatiques), l’agroécologie apparaît comme un modèle résilient dont la promotion et la mise à l’échelle permettra de multiples co-bénéfices pour le climat, la biodiversité et les populations, notamment les femmes qui constituent souvent la majorité de la main d’oeuvre agricole. L’agroécologie doit constituer la voie de transformation prioritaire pour les systèmes alimentaires, autant pour des objectifs d’atténuation que d’adaptation. 

Comme annoncé, l’adaptation sera une grande priorité pour la future présidence de la COP. Ce pilier de l’Accord de Paris doit également alimenter les travaux du groupe de travail Koronivia, sans oublier la nécessité d’un message équilibré quant à l’atténuation.Le texte de décision COP 27 doit notamment faire apparaître la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre issus de l’élevage, comme cela a été le cas sur la considération du rapport de l’atelier sur ce sujet, qui pour la première fois mentionne l’atténuation : “dans le but de réduire les émissions de GES produites par le secteur de l’élevage” (…). 

 

Les marchés carbone de l’Accord de Paris : climat et droits humains en danger ? 

Le Secours Catholique poursuivra également son travail de plaidoyer sur les questions des marchés carbone pour que ces mécanismes n’impactent pas les droits humains et les droits des peuples autochtones. 

Si les Etats se sont mis d’accord durant la COP 26 sur les règles de mise en oeuvre de l’article 6 (permettant la création de deux nouveaux marchés carbone), et ce malgré l’opposition de la société civile et des organisations des peuples autochtones, ce n’est que le commencement des négociations techniques pour que ces mécanismes soient opérationnels. Et ce travail sera long et périlleux au vu des nombreuses failles.

Depuis de nombreuses années, les organisations de la société civile, dont le Secours Catholique, demandent que ces règles des marchés carbone ne vident pas l’Accord de Paris de son sens, à savoir maintenir les températures en dessous de 2° à 1.5°C tout en apportant des mesures respectueuses des droits humains. Les Parties devaient donc adopter de solides garanties sociales et environnementales pour les activités relevant des marchés internationaux. 

Pour s’assurer que ces failles ne permettent pas aux acteurs d’échapper à l’effort requis par l’Accord de Paris, des règles de transparence doivent accompagner toute nouvelle infrastructure qui serait créée dans le cadre de l’Article 6. Comme nous le demandons  avec le RAC, “Ces règles devraient notamment permettre un meilleur suivi des crédits carbone, exiger des informations vérifiables sur les crédits de différents registres, rendre disponibles des informations détaillées sur les projets et identifier tout risque de double revendication d’un résultat d’atténuation”. 

Concernant l’Article 6.8 (permettant le développement des approches non marchandes), la mise en place d’un programme de travail dédié était une avancée significative pour les représentants de peuples autochtones et les communautés locales. Comme l’indique l’alliance Climate Land Ambition Rights (CLARA), la mise en œuvre immédiate du mécanisme non-marchand et de la plateforme en ligne devrait donc être prioritaire. De plus, le développement de la plateforme doit être soumis à un cadre de transparence renforcé. 

Enfin, (et surtout) bien que ce point n’apparaisse pas clairement à l’agenda des négociations, les Etats doivent initier au plus vite des discussions autour de l’instauration d’un mécanisme de plainte. L’institution de ce mécanisme de plainte indépendant, arraché dans les dernières versions des textes suite à une mobilisation importante de la société civile internationale et des organisations de peuples autochtones, est en effet une victoire dont il faut que l’ensemble des parties prenantes se saisissent. Il devrait permettre aux communautés affectées par des activités des marchés carbone de l’Accord de Paris d’obtenir réparation en cas de non-respect de leurs droits. 

Nous serons donc vigilants à Bonn sur le fait que  l’établissement de garanties sociales et environnementales ainsi que du mécanisme mentionné soient intégrés comme des prérequis indispensables au lancement des activités de l’Article 6. 

Nos maîtres mots : Justice sociale et urgence écologique 

Justice sociale et urgence écologique sont et seront pour ces négociations nos maîtres mots. En effet, les associations présentes dans ces négociations des Nations unies, dont le Secours Catholique, agissent également sur le terrain en France et dans le monde pour conjuguer ces deux axes que certains considèrent encore inconciliables. 

Permettre à chacune et chacun de bien vivre tout en préservant la maison commune est en effet un enjeu et une opportunité de transformer nos sociétés mais aussi une bonne nouvelle

Permettre à chacune et chacun de bien vivre tout en préservant la maison commune est en effet un enjeu et une opportunité de transformer nos sociétés mais aussi une bonne nouvelle” comme le dit Daphné Chamard, chargée de projet Mobilité pour le Secours Catholique, au micro de RCF. Comme elle le rappelle, “il ne faut pas dissocier les problématiques sociales et environnementales car tout est lié”. Elle ajoute que l’écologie est “l’affaire de tous ; une affaire politique et collective”. 

Politique et collective donc, souhaitons aussi à ces négociations, réunissant 195 gouvernements, d’être fructueuses et pour une fois une bonne nouvelle ! 

 

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