6 septembre 2021

Changements climatiques et déclin de la biodiversité : l’urgence de répondre aux deux crises jumelles

Avec un réchauffement moyen de 1,1°C depuis l’ère préindustrielle, les événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations…) se sont multipliés, impactant les écosystèmes mais aussi les populations avec notamment un accès à l’alimentation et à l’eau potable diminué. En parallèle, 87%(1) de la superficie des océans et 77%(2) des terres (hors Antarctique) ont connu des modifications du fait direct des activités humaines. Selon les conclusions du dernier rapport du Groupe de travail 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (3), les changements climatiques tels que le réchauffement des océans et des terres, sont rapides et généralisés. Si le réchauffement va se poursuivre, le GIEC rappelle qu’il est encore possible de maintenir les températures en dessous de 2°C en opérant rapidement des réductions drastiques des émissions de gaz à effet de serre (GES). 

Crise climatique et perte de la biodiversité sont deux crises qui s’alimentent mutuellement : ainsi la perte de la biodiversité à un impact sur le changement climatique, notamment sur les cycles de l’eau ou la séquestration du carbone : la dégradation des écosystèmes limite leur capacité d’absorption du carbone anthropique. 

Des liens intrinsèques existent donc entre ces deux crises jumelles avec pour dénominateur commun : l’urgence d’y répondre. 

Dans ce contexte, et depuis le 3 Septembre, la ville de Marseille accueille le Congrès mondial de la Nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). 

La France, en tant que pays hôte, doit être leader en matière d’ambition politique en faveur de la protection des écosystèmes et du climat, d’autant qu’avec le report de la COP15 sur la biodiversité à 2022 (4), le Congrès de l’UICN apparaît comme un temps fort avant la COP 26. 

A cette occasion, le Réseau Action Climat (RAC) publie une note “Biodiversité et Climat : même combatà laquelle le Secours Catholique a contribué.

Ayant pour sous-titre “Agir face à l’urgence”, cette note collaborative appelle les Etats à reconnaître que la crise climatique et celle du déclin de la biodiversité sont liées, et que par conséquent les réponses et solutions à apporter doivent être cohérentes et articulées. Au niveau international, cette reconnaissance fait son chemin notamment grâce aux différentes publications du GIEC et de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). En date, leur dernière publication conjointe qui rappelle que Limiter le réchauffement climatique pour garantir un climat habitable et protéger la biodiversité sont des objectifs qui se soutiennent mutuellement et leur réalisation est essentielle pour fournir de manière durable et équitable des avantages pour les populations. (5)

 

Répondre aux crises par des solutions fondées sur les droits 

Communes aux deux crises, des priorités communes s’imposent : réduction drastique des émissions de GES  et respect des droits humains et des droits des peuples autochtones  dans l’élaboration des réponses. 

Pourtant, malgré l’urgence commune, les agendas politiques et les ambitions ne semblent pas toujours s’aligner et, plus inquiétant encore, les solutions proposées par certains acteurs ne répondent pas aux enjeux socio-environnementaux et cela malgré les alertes de la société civile et des représentants des peuples autochtones. 

Ainsi, dans les différentes négociations et discussions en cours,  le secteur des terres fait particulièrement l’objet de “solutions” problématiques car pour la majorité non prouvé et non efficace à large échelle. 

“L’agriculture intelligente face au climat”, le déploiement à grande échelle des agrocarburants, la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) sont autant d’initiatives invoquées en réponse qui s’avèrent problématiques pour la sécurité alimentaire des populations, plus largement les droits humains mais aussi pour l’ambition politique pour le climat et la biodiversité.

Concernant les BECCS par exemple, le GIEC estime qu’entre 500 millions et 3 milliards d’hectares seraient nécessaires pour cultiver la biomasse suffisante pour maintenir le réchauffement global en dessous de 2°C. Or, à l’échelle mondiale, la surface cultivée (toutes cultures confondues) représente 1,5 milliard d’hectares. Il faudrait donc l’équivalent des terres aujourd’hui cultivées pour permettre aux BECCS d’être une solution opérante. Or, faute de terres disponibles, la compétition entre se nourrir ou stocker du carbone apparaît comme inévitable et dangereuse pour l’objectif d’éradiquer la faim dans le monde.   

Le Secours Catholique dénonce depuis plusieurs années ces techniques non durables qui font peser d’importantes menaces sur les populations vulnérables et qui détournent l’attention des décideurs sur les efforts nécessaires et urgents de réduction des émissions et de transformation des systèmes alimentaires, énergétiques et de transports, 

Face à des solutions trompeuses et dangereuses pour le respect des droits humains, il existe pourtant des actions concrètes et justes à mettre en place. Ainsi, comme l’énonce la note du RAC, “Pour faciliter la révision à la hausse des objectifs climatiques, protéger la biodiversité ainsi que les droits humains, plusieurs pratiques peuvent jouer un rôle clé”. C’est le cas du maintien et de la protection des puits carbone. Selon le Rapport de l’alliance internationale CLARA dont fait partie le Secours Catholique, Les pistes inexplorées pour ne pas dépasser les 1.5°, la préservation et restauration des écosystèmes terrestres permettraient de réduire nos émissions de 14,77 milliards de tonnes de CO2 chaque année. 

Ces actions de protection et restauration vont de pair avec la gestion durable et collective des écosystèmes par les peuples autochtones et communautés locales. Comme le rappelle CAN International “les recherchent montrent que lorsqu’ils bénéficient d’un régime foncier sûr, les niveaux de diversité biologique et de stockage du carbone sont plus élevés.  (6)

Dans ce contexte, il est important de rappeler que la France n’a toujours pas ratifié la Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux de l’Organisation Internationale du Travail. Pourtant cette ratification est une condition nécessaire et préalable pour le maintien des écosystèmes et le respect des droits des peuples autochtones en France et un pas important vers le respect de leurs droits au niveau global. 

 

Relever les ambitions : Countdown pour la COP 26 

La COP 26 sera un des temps forts pour apporter des réponses aux deux crises. L’adoption des règles de l’article 6 de l’Accord de Paris portant notamment sur les mécanismes internationaux de marchés carbones est un élément clef dans la préservation de la biodiversité et aura un impact sur celle-ci selon les résultats des négociations. 

En effet, comme le rappelle la note, “mal encadrés, ces marchés n’encouragent pas la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais plutôt la compensation et les systèmes de crédit “. Or dans le cadre des outils de mise en œuvre de l’accord de Paris, le secteur des terres sera au cœur des négociations puisque certains Etats souhaiteraient pouvoir l’intégrer dans les mécanismes pour ainsi faciliter le recours à la compensation carbone via les terres. Le Secours Catholique et d’autres organisations soutiennent a contrario que l’intégration de ce secteur dans les marchés carbone serait néfaste pour les populations et communautés locales de par l’augmentation de l’accaparement des terres qu’un recours massif à  la compensation dans les sols impliquerait, mais aussi pour la biodiversité de par le déploiement de monocultures spécifiques pour séquestrer le carbone. 

Que ce soit à l’UICN, à l’Assemblée générale des Nations Unies ou à la COP 26, les Etats doivent se montrer ambitieux dans l’atténuation du changement climatique et dans la lutte contre le déclin de la biodiversité tout en s’assurant que les politiques proposées et les investissements associés aient des impacts positifs pour le climat et la biodiversité, et se fassent dans le respect des droits humains et des droits des peuples autochtones. 

Références :

(1) :  Climate Action Network International (CAN), Briefing on IPCC-IPBES Working Group Report, June 2021, https://climatenetwork.org/resource/can-briefing-on-ipcc-ipbes-working-group-report/ 

(2) : Idem, CAN Briefing

(3) : GIEC, Climate Change 2021 ; The Physical Science Basis, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf

(4) : où les 196 parties devront examiner le projet de cadre mondial pour la biodiversité post-2020 : https://www.cbd.int/doc/c/abb5/591f/2e46096d3f0330b08ce87a45/wg2020-03-03-en.pdf / A noter qu’en raison du report il y aura aussi un évènement de haut niveau du 11 au 15 octobre prochain.

(5) : Rapport de l’atelier coparrainé IPBES-IPCC sur la biodiversité et le changement climatique ;  

https://ipbes.net/sites/default/files/2021-06/20210609_workshop_report_embargo_3pm_CEST_10_june_0.pdf

(6) : Climate Action Network International (CAN), Briefing The Role of ecosystems and biodiversity for climate change mitigation and adaptation and resilience, June 2021, https://climatenetwork.org/wp-content/uploads/2021/07/CAN-briefing_The-role-of-ecosystems-and-biodiversity-for-climate-change-mitigation-ambition-and-adaptation-and-resilience_-June-2021-7.pdf

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