31 mai 2021

Intersessions sur le changement climatique : entre défi du virtuel et réalité de l’urgence

Aujourd’hui s’ouvrent les sessions des organes subsidiaires de la COP, le SBI et le SBSTA(1), chargés respectivement de suivre la mise en œuvre des traités et instruments internationaux relatifs aux enjeux climatiques et de conseiller la COP sur des aspects techniques. 

En raison de la crise sanitaire, ces sessions appelées aussi intersessions, se dérouleront de manière virtuelle durant trois semaines. Après un an de report, les intersessions s’annoncent comme le retour des grands « rendez-vous » onusiens où l’ensemble des parties et observateurs doivent pouvoir échanger sur un agenda déjà très dense dans l’objectif de préparer aux mieux les négociations de la COP26 à Glasgow. 

Cependant, la modalité virtuelle pourrait s’annoncer périlleuse d’où l’importance de redoubler de vigilance pour que tous les États parties mais aussi tous les observateurs de la société civile puissent y participer. Plus que jamais le caractère inclusif des discussions sera crucial. 

Ces sessions s’ouvrent également dans un contexte encore très marqué par la pandémie du covid puisque de nombreux pays sont très touchés par le virus. Les inégalités d’accès aux différents vaccins viennent par ailleurs illustrer les défis et obstacles à la solidarité internationale.

Parmi les sujets qui occuperont les Etats, les discussions autour de l’article 6 de l’Accord de Paris feront l’objet d’une attention particulière car jusqu’à présent, les parties n’ont pas été en mesure de s’entendre sur un certain nombre de points permettant l’élaboration de règles pour régir cet article dédié à la mise en place d’un mécanisme de coopération volontaire. Les données du problème (et du blocage) sont connues de toutes et tous depuis la COP de Madrid notamment les problématiques autour du comptage des émissions de réductions et des unités du protocole de Kyoto ; deux problématiques qui reposent plus généralement la question de l’ambition et justice climatique mais aussi de l’intégrité environnementale des actions menées. 

L’article 6 autorise en effet les approches coopératives au travers de mécanismes de marché (comme OMT et le Mécanisme de Développement Propre) ou de mécanismes non marchands, afin de réduire globalement les émissions. 

Or comme il a été constaté avec le Mécanisme de Développement Propre, les approches de marché peuvent avoir un impact délétère sur les droits humains et les droits des peuples autochtones car ils permettent aux Etats d’utiliser le système de compensation et ainsi de continuer à émettre alors qu’il faut viser des réductions d’émissions ambitieuses et cesser certaines activités destructrices de la biodiversité et responsables du réchauffement climatique.

Les futures règles de l’article 6 ne doivent pas vider l’Accord de son sens à savoir de maintenir les températures en dessous de 2° à 1.5°C en apportant des mesures respectueuses des droits humains. A cette occasion le  Secours Catholique – Caritas France, travaillant avec des partenaires de terrain affectés plus sévèrement pas les changements climatiques, rappelle qu’aucun mécanisme ne peut dispenser les Etats parties de mettre en place urgemment des stratégies de baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre en transformant les systèmes, notamment énergétiques et alimentaires, et en élaborant des politiques de sécurisation des terres pour les peuples autochtones et les communautés locales. Impliquer le secteur des terres dans les mécanismes marchands, comme les marchés carbones, ne permet pas de restaurer les écosystèmes riches en biodiversité et en carbone. Cela est aussi dangereux pour les droits humains des populations locales. En effet, la séquestration du carbone via les terres n’est jamais permanente et risque aussi de détourner les cultures alimentaires vers des cultures jugées plus efficaces pour la séquestration, menaçant alors les exploitations des petits paysans et la sécurité alimentaire des populations. Le secteur des terres devrait donc être exclu des discussions portant sur les articles 6.2 (transfert de résultat d’atténuation) et 6.4 (mécanisme pour contribuer à l’atténuation).

Se pose alors la question de savoir si le format virtuel des sessions permettra une véritable avancée des discussions afin que les règles de l’article 6 soient finalisées à la COP26 de novembre. Rendez-vous dans plusieurs semaines pour le savoir ! 

(1) Deux organes subsidiaires permanents ont été créés par la Convention cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques. Il s’agit de l’organe subsidiaire de mise en œuvre (en anglais SBI) et l’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (en anglais SBSTA).

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