La crise climatique amplifie la pauvreté et les inégalités

Garantir la sécurité alimentaire, s’assurer d’un financement juste et équitable pour faire face au dérèglement du climat et limiter les migrations provoquées par celui-ci : trois bonnes raisons pour le Secours Catholique-Caritas France de s’engager dans la lutte contre les changements climatiques.
« Le changement climatique menace grandement et de plus en plus les progrès en matière de développement. Il pourrait compromettre les efforts déployés à travers le monde pour éliminer l’extrême pauvreté », alerte la Banque mondiale dans un rapport daté de novembre 2014. « Faute d’une action ferme et rapide, le réchauffement pourrait dépasser 1,5 à 2 °C et ses répercussions amplifieraient considérablement la pauvreté. »
« Le réchauffement climatique est déjà une réalité. Il exacerbe la pauvreté et les inégalités », confirme Émilie Johann, responsable du plaidoyer international au Secours Catholique-Caritas France. À commencer par l’insécurité alimentaire (lire le dossier “L’alimentation menacée par le changement climatique”, Messages n° 702, juin 2015). En effet, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime que tous les aspects de la sécurité alimentaire sont d’ores et déjà touchés par la crise climatique, que ce soit l’accès à l’alimentation ou la stabilité des prix.
Financement
En 2009, à l’issue de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Copenhague, les pays industrialisés se sont fixé pour objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, notamment à travers le Fonds vert. Ces financements doivent permettre aux pays en développement de renforcer leur capacité de résistance aux changements climatiques, de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre et de soutenir leur passage à un développement durable. Six ans plus tard, ces engagements sont loin d’être tenus. « Moins de 20 milliards de financement public ont été mobilisés », constate Romain Benicchio, chargé de plaidoyer à Oxfam International, association partenaire du Secours Catholique au sein du réseau Action climat (Rac).
Si les engagements de chaque pays en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre commencent à peine à se dessiner pour la 21ème Conférence des Nations unies sur le climat (Cop21) qui aura lieu à Paris en décembre, la question du financement reste incertaine et sera un point d’achoppement fort de la conférence. L’absence d’engagements financiers publics en matière de climat se retrouve aussi dans les négociations sur le développement : « Les pays développés souhaitent que le secteur privé prenne sa part de responsabilité, explique Grégoire Niaudet, chargé de plaidoyer au Secours Catholique. Ne pouvant pas l’obliger à participer, tout est fait pour créer un environnement favorable aux affaires. Ainsi des services d’intérêt général tel que la santé ou encore le logement social deviennent commercialisables. » L’enjeu est de taille : convaincre les entreprises de changer leur business model pour servir les intérêts du développement durable et limiter la financiarisation des mécanismes de financement.
Par ailleurs, seuls 30 % des fonds versés par les pays développés pour aider ceux du Sud à faire face à la question climatique venaient s’ajouter à l’aide au développement lors de la première période d’engagement financier (2010-2012). « Pour ne regarder que l’exemple français, on constate ces cinq dernières années une baisse de l’aide au développement face à une hausse des financements “climat” », explique Romain Benicchio.
200 millions de migrants environnementaux à l’horizon 2050
D’après l’Organisation mondiale de la migration (OIM), « 20 millions de personnes ont été déplacées en 2008 à la suite d’événements météorologiques extrêmes, tandis que sur la même période 4,6 millions de personnes l’ont été à la suite de conflits ou de violence. Le chiffre le plus fréquemment cité est de 200 millions de migrants environnementaux à l’horizon 2050, se déplaçant à l’intérieur des frontières de leur pays ou au-delà, de façon permanente ou temporaire. »
Au Niger, comme au Bangladesh, ces mouvements de population sont déjà une réalité. « De nombreux jeunes quittent les zones rurales du Niger pour les grands centres urbains », témoigne Raymond Yoro, secrétaire général de la Caritas nationale, Cadev. La dégradation des terres, le tarissement précoce des points d’eau, les pluies erratiques et la sécheresse poussent les populations à migrer de manière permanente ou temporaire.
Pour l’instant, seul le mécanisme de Varsovie lié aux pertes et dommages provoqués par le changement climatique prévoit des indemnisations pour ceux qui ont été contraints d’abandonner leur terre. Mais il reste difficile de déterminer exactement qui est migrant environnemental ou non.
Pour toutes ces raisons, le Secours Catholique-Caritas France et ses partenaires plaident activement pour une justice climatique et s’efforcent d’agir auprès des négociateurs de la Cop21.
Clémence Véran-Richard pour la revue Messages