Femmes et climat : entretien avec Pascale Boistard, Secrétaire d’état chargée des droits des femmes

La question de la place des femmes dans les mécanismes politiques, financiers et les gouvernances est essentielle alors que la COP21 bat son plein à Paris. Quelles sont les implications des femmes et quels retours peuvent-elles espérer ? Quels sont les liens que l’on peut faire entre dérèglement climatiques et conditions des femmes ? Qu’attendre de la COP21 sur ces questions ?
Caritas climat : Quels sont les grands constats que vous faîtes aujourd’hui sur le lien entre les femmes et les impacts du changement climatique ?
Pascale Boistard : Les femmes sont en première ligne face aux changements climatiques et sont plus exposées à ses conséquences alors qu’elles sont déjà victimes d’injustices et d’inégalités. Elles représentent 70 % des personnes qui vivent avec moins d’un dollar par jour et possèdent moins de 10 % des terres. Elles gèrent souvent l’accès aux ressources, à l’eau, au bois, et sont les premières confrontées à leur raréfaction qui rend leur quotidien plus difficile. Enfin, elles sont plus exposées aux catastrophes climatiques : leur risque de décès peut être jusqu’à 14 fois supérieur à celui des hommes. Enfin, les femmes réfugiées, on le sait, sont exposées à toutes sortes de violences, y compris sexuelles.
CC: Quelles sont vos attentes par rapport à la COP21 ?
PB : Les femmes sont les plus concernées par les conséquences des changements climatiques, mais elles portent activement des solutions. Elles s’investissent dans les nouveaux champs de l’économie verte et du numérique. C’est une chance pour les femmes de s’emparer de ces domaines économiques à construire, et de participer à l’innovation.
Sur 176 pays ayant annoncé leur contribution, une cinquantaine évoquent l’implication des femmes. C’est un progrès, mais on peut faire davantage : l’égalité-femmes hommes est un facteur de progrès social, économique et écologique.
L’un des enjeux pour nous est que cette question soit abordée dans le texte final de la COP21. En 2014 à Lima, un programme de travail ambitieux pour la prise en compte du genre a été posé. Il faudra faire en sorte que ce programme qui s’achève l’année prochaine puisse être relancé dans l’année à venir. Enfin, pour que ces enjeux soient traités durablement, il est important qu’à l’avenir les femmes soient plus présentes dans les différentes délégations, dans lesquelles elles sont aujourd’hui sous représentées.
Il faut en outre assurer une visibilité et une prise en compte des femmes dans les décisions de financement. Le Fond Vert par exemple est dirigé par une femme et prend des mesures pour intégrer la dimension de l’égalité dans ses opérations avec plusieurs références à l’égalité des sexes, à la place des femmes dans ses objectifs, dans sa gouvernance, dans les modalités de travail. C’est un fond important puisque c’est un fond multilatéral par lequel on peut arriver à mieux intégrer la prise en compte du rôle des femmes dans l’activité économique.
Par ailleurs, je constate qu’il y a de plus en plus de femmes qui s’impliquent dans des ONG très actives, avec une place importante dans la gouvernance, et qui en outre prennent en compte la dimension de genre dans leurs projets. Que ce soit du micro-financement, des projets dans le domaine de l’eau ou de l’énergie solaire, il y a des de plus d’associations qui visent à impliquer les femmes dans la gestion de leurs projets et c’est essentiel de le faire au niveau local, pour pérenniser ces projets.