Dernière ligne droite pour un Accord climat… au service des plus pauvres ?

Alors que l’Accord de Paris devait être signé vendredi, la version finale du texte ne sera pas prête avant samedi, voire dimanche… Après une longue nuit de négociations, les pays ne sont pas encore arrivés à un consensus, notamment sur la question de l’ambition de l’Accord et des financements climat. Tous deux restent des points durs de négociations. La version du texte de l’Accord actuellement sur la table, sortie le jeudi 10 décembre au soir, doit encore être travaillée. Si elle contient des éléments intéressants, notamment sur les financements climat après 2020 ou sur l’objectif de 1.5°C, beaucoup d’éléments manquent pour que cet Accord puisse être réellement transformationnel et soit au service des plus vulnérables.
Parmi ceux-ci : une accélération de l’action avant 2020, tant sur l’atténuation que sur l’adaptation, via des financements dédiés ; une révision à la hausse des engagements de réduction des émissions avant l’entrée en vigueur de l’Accord pour se mettre réellement sous la barre des 1.5°C de réchauffement et un mécanisme de rehausse de l’ambition tous les 5 ans à partir de 2025 ; une juste différenciation des responsabilités et capacités entre pays… D’autres éléments encore sont absents du cœur de l’Accord pour préserver les populations plus vulnérables et garantir la cohérence des politiques climat avec les enjeux de développement, d’éradication de la pauvreté et d’accès aux droits.
L’ambition de l’Accord est cruciale. Au-delà de l’imprécation à rester sous le seuil des 2 voire 1.5°C de réchauffement, des outils sont nécessaires pour l’atteinte de cet objectif, sans quoi il restera lettre morte. La sécurité alimentaire et les droits fondamentaux des populations les plus vulnérables n’en seront que davantage menacés. Un engagement pour un objectif de long terme clair de sorties des énergies fossiles d’ici à 2050 ainsi qu’un arrêt de tout financement à leur égard est nécessaire pour enclencher une véritable transition. Un soutien financier explicite à l’adaptation, tant avant qu’après 2020, est nécessaire afin de répondre aux besoins des pays impactés. Un compromis n’a pas encore été trouvé sur les mécanismes concrets à mettre en place pour répondre aux pertes irréversibles causées par les changements climatiques, désignées dans le langage de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques comme « pertes et dommages ».
La version actuelle du texte est alarmante au sujet des droits de l’Homme et de la sécurité alimentaire. Tous deux ont été supprimés de la partie opérationnelle de l’Accord (Article 2), où ils figuraient précédemment. Ils sont aujourd’hui relégués dans le Préambule de l’Accord, non contraignant en doit international. C’est, tout à la fois, incompréhensible et inacceptable. Incompréhensible car les liens entre changements climatiques, droits humains et sécurité alimentaire n’ont jamais été aussi évidents et documentés. Et les soutiens institutionnels, scientifiques et politiques à leur inclusion au cœur de l’Accord n’ont jamais été si nombreux – à commencer par François Hollande pour qui celui-ci doit constituer « une nouvelle étape pour les droits ». Inacceptable car que serait un Accord sur le climat qui ferait fi des principes fondamentaux que sont les droits de l’Homme et la sécurité alimentaire ? Lors d’une conférence donnée au sein de la COP en fin de journée, Jannie Staffansson (représentante Saami) se demandait quel pourrait être l’objectif de cet Accord si ce ne sont les peuples. La question reste ouverte, béante.