16 octobre 2015

« Les changements climatiques attisent la faim »

Sur le chemin de la COP21 prévue en décembre prochain, le Baromètre de la Faim 2015 sort le 16 octobre. Alors que près de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, les changements climatiques constituent une réelle menace pour la sécurité alimentaire. Jean Vettraino, chargé de plaidoyer au Secours Catholique – Caritas France, a contribué à ce Baromètre. Il en détaille les grandes lignes.

Baromètre de la Faim 2015 : pourquoi est-il important ?

Il s’agit de la 5e édition du Baromètre, qui a toute son importance sur plusieurs plans.
Tout d’abord, il croise les approches Nord et Sud : il y a des organisations de solidarité, à la fois nationales et internationales, qui ont contribué à ce numéro. Cela permet d’avoir une approche croisée et un regard assez ample sur les problèmes traités.

Ensuite, le thème choisi cette année, à savoir, les changements climatiques. Actuellement, nous en entendons parler énormément, notamment en France, en raison de la COP21 prévue en décembre à Paris. Et, finalement, la faim, c’est l’autre visage des changements climatiques. Les changements climatiques attisent la faim. Comme le souligne la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit à l’alimentation : les changements climatiques sont l’une des principales menaces qui pèsent sur le droit à l’alimentation. Enfin, ce numéro 2015, qui paraitra demain (le 16 octobre) a de réels atouts pédagogiques. Les sujets de la faim et des changements climatiques sont assez complexes. Nous avions pour objectif de mettre à la portée du plus grand nombre ces questions complexes. A travers un travail autour d’infographies simples, nous présentons des chiffres de manière la plus synthétique possible : aujourd’hui, près de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, chaque jour. Il s’agit d’un chiffre vraiment incommensurable ! Il pourrait augmenter de 600 millions de personnes en 2080, simplement en raison des changements climatiques. Une autre infographie présente le fonctionnement du Sommet de Paris sur le climat de décembre.

Qu’est-ce que l’on en attend concrètement ? Quels en sont les enjeux ?

Ce que nous espérons, c’est une prise de conscience par le grand public des enjeux croisés entre alimentation, changements climatiques et environnement. En tant que Secours Catholique – Caritas France, nos contributions1 à ce numéro se sont axées sur trois points (chaque point correspondant à un court article).

Le premier concerne les négociations internationales autour du climat. Dans ce numéro, j’essaie d’expliquer comment la société civile, qui travaille toujours en réseau, fait rentrer les questions de sécurité alimentaire au sein de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) qui abritera la COP21 à Paris. Nous essayons d’être assez pédagogiques. Aujourd’hui, les changements climatiques impactent la sécurité alimentaire des populations les plus pauvres de la planète, celles-là même qui en sont les moins responsables. Mais à l’heure actuelle, dans le brouillon de l’Accord de Paris, il n’y a aucune mention de la sécurité alimentaire !

Un deuxième point concernent un aspect sur lequel nous commençons à nous pencher : le peu d’informations existantes sur l’insécurité alimentaire dans les pays développés. Nous avons tendance à penser que la faim toucherait surtout l’Afrique. Or, en France, des estimations scientifiques existent qui nous apprennent que 12% des adultes (6 millions de personnes) vivraient dans un foyer en situation d’insécurité alimentaire. Ce sont des chiffres qui parlent d’eux-mêmes… L’insécurité alimentaire est une réalité contemporaine de nos pays riches. C’est aussi valable aux Etats-Unis, où près de 14% des ménages américains sont présentement en situation d’insécurité alimentaire. L’intérêt de cet article réside aussi dans le fait que nous l’avons co-signé avec les Banques alimentaires et la Croix-Rouge : nous travaillons ensemble autour de questions lourdes et compliquées afin de faire émerger ce type de problèmes qui sont proprement politiques. La manière dont nous observons la société découle de choix politiques. Le dernier point abordé dans cette édition, c’est toute l’importance d’une consommation locale et solidaire en France. Face aux questions d’insécurité alimentaire et de changements climatiques des solutions existent sur le terrain. Elles sont mises en œuvre par des bénévoles et des salariés du Secours Catholique et ça fonctionne très bien. Elles allient les questions d’une consommation plus locale, bénéfique pour l’environnement, mais également bénéfique d’un point de vue social. Les marchés solidaires par exemple sont à mettre en avant.

En tant que citoyens, on peut se mobiliser. Aller manifester le 29 novembre prochain, veille de l’ouverture de la COP21, permettra de montrer que nous sommes aussi concernés et préoccupés par ces questions. Les politiques ne bougeront pas seuls. Sur un autre plan, nous pouvons aussi nous réapproprier notre pouvoir sur l’alimentation, dont nous avons été en partie dépossédés par les circuits de grande distribution agroalimentaire.

Quelles sont les autres questions abordées dans ce baromètre ?

Il y a par exemple un article sur l’agroécologie, qui est une solution reposant sur les initiatives locales et paysannes, intensive en savoir et en main d’œuvre. Cela marche ! Un autre article insiste sur la manière dont nous pouvons protéger l’environnement et réduire les émissions de gaz à effet de serre en luttant contre le gaspillage alimentaire. Cela concerne principalement les pays du Nord.
Dans ce Baromètre, il y a beaucoup d’éclairages effectués avec un souci de pédagogie. Chaque question soulevée est intéressante. Elle donne des pistes concrètes aux personnes qui sont préoccupées par cette terrible réalité quotidienne qu’est la faim et que les changements climatiques amplifient.

Quelles sont les indications d’actions que vous donnez ?

La dernière page du Baromètre s’intitule « Et vous, vous faites quoi ? ». Nous y proposons diverses actions qui permettent à tous de se mobiliser. Cela peut être la participation à cette marche du 29 novembre, mais aussi l’interpellation de nos élus, ou des actions comme l’inscription à une AMAP, le fait de privilégier les circuits courts et la diversification de notre alimentation…Les solutions passeront par des mobilisations collectives. Notre pouvoir en tant que consommateur individuel est réel mais limité. Les défis sont tels que les actions collectives ont une portée bien supérieure. Ainsi, en tant que consommateur, nous pouvons faire attention à ce que nous achetons et, pourquoi pas, adhérer à des associations de consommateurs. Par ces démarches associatives, nous aurons plus de poids. Nous contribuerons à cette intelligence collective qui nous fait tant défaut encore aujourd’hui dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et contre les changements climatiques.

En route vers la COP21 donc…

Oui. Nous sommes à 6 semaines de la COP21 et il est vraiment temps de se mobiliser. L’idée est de créer une prise de conscience qui sera appelée à durer au-delà de la Conférence Climat de décembre. Celle-ci ne sera, à bien des égards, qu’un point de départ. Même si nous avons un accord ambitieux, faisant une place à l’amélioration de la sécurité alimentaire, les choses ne bougeront que si les citoyens continuent d’être attentifs à ces questions. C’est pourquoi une réflexion de fond et un engagement dans la durée sont importants.

Chaque année, il n’y a qu’un seul baromètre de la faim. Ainsi, au-delà du temps court de la COP21, les questions qui croisent faim et changements climatiques sont devant nous. Il faut commencer par informer, c’est essentiel.

1 Au côté d’autres organisations non gouvernementales : ACTED ; Agronomes et Vétérinaires sans frontières (AVSF) ; Alliance 2015 ; Banques Alimentaires ; CARE France ; Coalition Eau ; Convergences ; Croix-Rouge française ; Médecins du Monde ; SOS SAHEL ; Solidarités International ; Terre & Humanisme.

Télécharger le baromètre de la faim 2015

One Comment on “« Les changements climatiques attisent la faim »

claude
16 octobre 2015 chez 21 h 25 min

Bon travail de partenariat et d’éveil à la solidarité accessible à tous.

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